Le ministère du tourisme prend enfin langue avec les professionnels
Des commissions mixtes entre public et privé chargées de réfléchir à la refonte de la Vision 2020 seront constituées. Amélioration du parcours client, intégration des agences en ligne, ubérisation des services et renforcement de la stratégie mobile pour se préparer à accueillir les millennials figurent parmi les propositions de la CNT. Des professionnels jugent qu’il est plus urgent d’optimiser les capacités existantes que d’investir dans l’ouverture de nouvelles unités hôtelières.
Après des mois de cacophonie et de désaccords dans l’écosystème du tourisme national entre la Confédération nationale du tourisme (CNT) et l’Association nationale des investisseurs touristiques (ANIT) à propos du retour de la CNT sous la tutelle de la CGEM et du fameux projet de refonte de la Vision 2020 élaboré par le Comex (comité des experts), la CNT a pris le devant et a enfin provoqué une réunion le 11 octobre dernier avec Mohammed Sajid, ministre du tourisme, du transport aérien, de l’artisanat et de l’économie sociale, et Lamia Boutaleb, secrétaire d’Etat chargée du tourisme, en présence d’Adil Fakir, DG de l’ONMT et Imad Barrakad, DG de la SMIT (Société marocaine d’ingénierie touristique). «Il s’agissait de créer des commissions mixtes public-privé constituées de représentants de la CNT et du ministère pour la refonte de la Vision 2020. Nous avons présenté notre vision indépendante de celle de l’ANIT et attendons de connaître celle du ministère qui sera probablement issue du rapport de Boston Consulting Group (BCG)», déclare Lahcen Zelmat, vice-président de la Fédération nationale de l’investissement hôtelier (FNIH).
Ralentissement des ouvertures de nouveaux hôtels
Ce rapport avait mis en exergue la gouvernance défaillante et le retard dans le domaine du digital. D’autre part, il avait recommandé de booster les destinations Marrakech et Agadir et renforcer des dessertes aériennes point à point. Le ministère a pour sa part diffusé un communiqué vague sur la tenue de la réunion, les principaux protagonistes et l’objectif de converger les efforts et travailler ensemble avec une vision commune. Encore une fois, c’est le service minimum dans un ministère qui, assurément, a du mal à s’ouvrir ou ne veut pas s’y résoudre.
Les responsables de la CNT, qui veulent désormais aller de l’avant, ont élaboré une approche plus pragmatique que celle adoptée par le ministère du tourisme. Améliorer le parcours client, intégrer les OTA (Agences en ligne du tourisme) et l’ubérisation des services, intégrer la data, renforcer la stratégie mobile pour se préparer à accueillir la génération des millenials ; des touristes jeunes et connectés venus aussi de pays émergents… font partie des propositions de la confédération pour développer le secteur. «On ne peut plus aujourd’hui axer notre stratégie sur les investissements hôteliers. Il faut consolider l’existant, notamment à Marrakech pour améliorer le taux d’occupation moyen (56% dans la ville ocre et 45% au niveau national à fin juillet 2018). C’est ainsi que nous pouvons attirer de nouveaux investisseurs touristiques», affirme Faouzi Zemrani, vice-président de la CNT.
A en croire M. Zelmat, l’arrêt des investissements touristiques est impossible, la loi ne le permettant pas. D’autant plus que les collectivités territoriales ne refuseront pas d’octroyer une autorisation pour un projet d’ouverture d’hôtel dans les villes sous leur autorité, même si le ministère aspire à réguler les ouvertures de nouveaux hôtels. L’euphorie des constructions d’établissements hôteliers a néanmoins été ralentie par la loi de l’offre et de la demande qui a fini par réguler le marché. A l’ère où les modes de voyages changent, où l’on opte pour des appartements Airbnb, les grands établissements hôteliers perdent en attrait pour une partie des touristes.
Axer les efforts sur le service
Pour les responsables de la CNT, il faut axer les efforts sur le service. «Les attentes interminables dans les aéroports, le comportement des taxis qui font la navette aéroport-centre ville, les bazaristes et les faux guides de la Médina… Tout cela nuit au tourisme. Nous aspirons également à des villes plus intelligentes avec des accès wifi et l’élaboration d’enquêtes clients pour mieux interagir avec le client et dupliquer cela à toutes les destinations», explique M. Zemrani. Ce travail sera réalisé conjointement entre la CNT, le ministère à travers les délégations du tourisme et les fédérations régionales du tourisme (en cours de création) qui vont regrouper tous les acteurs du secteur, y compris les élus et l’administration. «Les délégations du tourisme sont également appelées à jouer un rôle de promotion du tourisme. Nous souhaitons aussi impliquer la ville et le citoyen dans l’essor du tourisme qui crée de la richesse, de l’emploi et du bonheur pour tous», précise M. Zemrani. C’est un vœu pieux de la confédération du tourisme qui, espérons-le, obtiendra l’écoute de la part du ministre et de son équipe restés longtemps muets sur l’avenir de ce secteur, qui, rappelons-le, se porte bien depuis deux ans. Heureusement !
Source : https://www.lavieeco.com LIEN