Maroc-Turquie : copy cut ?
L’Association Nationale des Investisseurs Touristiques aura, une fois de plus, créé l’événement. Le caractère didactique des différents séminaires qu’elle organise est en passe de devenir un cas d’école dans le secteur du tourisme.
L’ANIT confirme qu’elle assume dans les règles son rôle premier d’organe accompagnateur du développement touristique au Maroc, en sortant des sentiers battus des rencontres protocolaires qui vont dans le sens du poil.
Ce collectif d’investisseurs vient d’organiser, l’après-midi du 24 novembre, une conférence sous le thème « Développement touristique : success story turque et enseignements pour le Maroc », et à laquelle avaient pris part des opérateurs turcs, pour expliquer leur vision du tourisme et la réussite de leur expérience. Des institutionnels et acteurs nationaux étaient également de la partie pour confronter l’expérience marocaine au modèle turque, en vue de s’en inspirer s’il y a lieu.
La conférence, organisée en partenariat avec la Confédération Nationale du Tourisme, la Société Marocaine d’Ingénierie Touristique et BDO Hospitality Consulting et avec le soutien de Royal Air Maroc et du Hyatt Regency, a été animée par Philippe Gauguier, Associé de InExtenso, membre de Deloitte.
Révélations et réalité des faits
Ne manquant pas d’intérêt, la présentation rappelle étrangement l’étude réalisée, il y a quelque temps, par le ministère du Tourisme sur le modèle turque et dont plusieurs professionnels ont eu vent, pour ne pas dire lu son contenu en long et en large. Elle comportait les mêmes volets tels que présentés pendant la rencontre de l’ANIT : l’importance du développement du tourisme en Turquie et son impact sur l’économie du pays, les incentives et mesures mises en place par l’Etat pour soutenir le secteur, le rôle de l’aérien dans le développement touristique, ainsi que la construction d’aéroports à proximité des stations touristiques, le rôle d’intervenants clés comme Turkish Airlines, SKAL, WTTC…
Les présentations des experts turcs ont été suivies de deux panels de discussion. Le premier concernant l’importance de la communication, des réseaux, des infrastructures pour le développement touristique, tandis que le second s’est consacré plus en détail aux mesures incitatives et à la possibilité de les répliquer dans d’autres pays.
En conclusion, les intervenants ont insisté sur l’importance d’avoir non seulement une vision stratégique pour le développement du tourisme, mais aussi la nécessité de doter cette vision des moyens financiers et logistiques pour en faire une réussite. Ils ont également souligné l’importance de la création d’associations ou de groupements d’investisseurs à même de s’engager dans des partenariats public-privé d’envergure.
Enfin, les intervenants ont signalé le besoin de cohérence dans le développement des stations touristiques, insistant que lorsque l’on construit un hôtel 5 étoiles, tout son environnement doit être au même standard de qualité : services annexes, infrastructures publiques, personnel… Cette cohérence doit également être retrouvée dans l’adéquation de l’offre et de la demande, élément clé du succès.
Hiatus et manquements
C’est ce qui, d’ailleurs, fait la différence entre le modèle turc et l’expérience marocaine, bien que la structuration des deux produits ait démarré, à peu près, à la même période. Le hiatus bat son plein au niveau des stations balnéaires, dont les capacités sont énormes chez la partie turque. Avec les manquements que l’on sait au niveau des stations du Plan Azur, Jalil Benabbès Taarji, Administrateur directeur général du groupe Tikida et l’un des anciens présidents de la FNT, a relevé que l’erreur est avant tout due au pilotage et au monitoring des stations. « Nous avons été trop ambitieux en précipitant la réalisation des stations du Plan Azur, en faisant le lit du premier venu parmi les investisseurs. Résultat, on peine toujours à vendre les deux stations existantes, difficilement commercialisables », tenait-il à préciser. En effet, avec Fadesa, Thomas&Piron et Orco, le pilotage touristique au Maroc a commencé par donner des signes avant-coureurs de la déconfiture des autres stations programmées. L’expérience de ces opérateurs a fini par planter le Maroc en cours de route, ne laissant au Royaume que des conventions d’investissement fort onéreuses.
Mieux : il faut dire que malgré les ambitions de vision 2020, les mesures incitatives et les instances de gouvernance prévues n’ont pas été mises en place; la réalisation des stations du Plan Azur a pris du retard; et le décalage entre l’offre et la demande s’est accru. Encore que le manque de confiance caractérise la problématique du financement bancaire. «Les bons projets ne trouvent plus de financement et les banquiers cherchent des bons projets solvables, les stations du Plan Azur le sont-elles ?
Modèles incompatibles
« Il est inadmissible que la station Taghazout dont la superficie est de 654 hectares, n’abrite que 10 unités dont 9 sont encore au stade de projets. Aucune comparaison avec la Turquie dont le modèle nous interpelle», enchaîne t-il. C’est, en fait, une erreur de stratégie de vouloir lancer plusieurs stations en même temps. Or, pensent certains professionnels participant à la rencontre, il fallait plutôt user d’une démarche stratégique, consistant en une approche de construction progressive, une station tous les quatre ans. De cette façon, on garantit l’infrastructure d’accompagnement pour installer la marque, intégrée dans un environnement sécurisé, les partenaires mobilisés et l’aérien mis en place.
En Turquie, la vraie exploitation du tourisme n’a commencé qu’en 1985, marquée il y a à peine une quinzaine d’années, d’une vraie ouverture du ciel. Aujourd’hui, les résultats sont là, à la fois importants, imposants et plus prometteurs encore pour l’avenir. Istanbul, à elle seule, reçoit plus de touristes que ne reçoit le Maroc avec ses immigrés. La station Antalya, quant à elle, comporte 400.000 lits. C’est loin !
Taarji déplore l’administration centralisée des affaires touristiques au lieu que les programmes touristiques soient traités au niveau régional pour en faciliter les procédures. « Si certains pointent un doigt accusateur sur la fiscalité, ce n’est qu’un faux débat pour occulter les racines du problème », remarque t-il.
Source: http://tourismeetgastronomie.ma
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