Nadia Fettah Alaoui défend son contrat-programme

Le contrat-programme (CP) pour le tourisme a été acté le 6 juillet après des mois de négociations et plusieurs allers et retours avec le ministère du Tourisme. Le prochain défi est sa mise en œuvre qui demande une grande mobilisation de tous et qui se fera en fonction de l’évolution de la situation, insiste Nadia Fettah Alaoui. Le point avec la ministre du Tourisme, de l’Artisanat, du Transport aérien et de l’Économie sociale.
– L’Economiste: Qu’est-ce qui a justifié le retard de la signature du contrat-programme, prévue bien avant le 1er juillet?
– Nadia Fettah Alaoui: Le caractère de cette crise et le manque de visibilité qui en découle, imposent beaucoup d’incertitudes et d’inconnues pour lesquels la précipitation et l’improvisation ne peuvent pas être une solution. Nous avons donc privilégié, rapidement, la concertation, la mobilisation et la responsabilité partagée à travers un dialogue permanent avec l’ensemble des parties de la chaîne de valeur touristique.
Je tiens d’ailleurs à saluer les efforts de l’ensemble des partenaires qui ont permis de mettre en place les synergies nécessaires pour formuler les grands principes de sauvegarde et de relance du secteur touristique et de les décliner par la suite en mesures concrètes, et ce, en application des Hautes Orientations Royales, notamment celles annoncées lors du Discours du Trône du 29 juillet 2020. Nous avons donc abouti à un contrat programme très satisfaisant, ambitieux et volontariste qui apporte des solutions claires à fin décembre 2020 et des perspectives au-delà. L’État a ainsi consenti un effort financier conséquent pour tenir compte de l’importance et du poids du secteur du tourisme notamment en matière d’emplois, et ce, afin de préserver le tissu économique (ndlr: voir notre édition n°5819 du 7 août 2020). Il faut savoir que plusieurs mesures du contrat programme s’inscrivent dans la continuité des mesures actées par le CVE depuis le début de la crise et sont donc effectives depuis le 1er juillet 2020.
– Dans quels délais pensez-vous pouvoir signer les conventions manquantes et indispensables à la mise en œuvre du contrat-programme?
– Les prochains mois seront décisifs pour permettre aux entreprises touristiques d’abord de se maintenir avant de rebondir et de retrouver la confiance de leur clientèle locale et internationale. La priorité est donc de pérenniser l’emploi (au moins 80% des effectifs comparativement à février 2020) et de soulager la trésorerie des entreprises. Les mesures à même de permettre l’atteinte de ces deux objectifs seront opérationnelles dès cette semaine. Une batterie d’autres mesures sera déclinée rapidement et ajustée progressivement en fonction de l’évolution de la situation. A cet effet, une gouvernance spécifique a été mise en place pour déployer et exécuter les termes et dispositions du contrat programme.
– Pour les professionnels, le verre est à moitié plein. Quelles mesures fortes comptez-vous proposer pour 2021 et éventuellement le PLF 2021?
– Cela me réjouit de constater que les opérateurs du secteur sont dans une vision optimiste. Un des objectifs de ce contrat programme étant en effet d’être à leur écoute et de lutter contre toute tentation de découragement. Nous avons donc tracé ensemble les perspectives de 2021 et de 2022, étant entendu que ces dernières feront l’objet d’une évaluation permanente et responsable, et seront par conséquent revisitées et ajustées en fonction du développement de la situation. Nous devons par ailleurs faire preuve d’agilité et de pragmatisme et être à l’écoute des nouvelles donnes et tendances du secteur. C’est pour cela que le contrat programme a été articulé en deux temps. Dans l’immédiat, la priorité est de maintenir et de soutenir le secteur, en prélude à une deuxième phase de relance et de reconquête. Nous nous mobilisons pour que le secteur se relève de cette crise et reste debout.
– Le fonds d’investissement ambitionne de pallier la faiblesse anticipée des fonds propres des investisseurs alors que ces derniers espéraient des mesures de préservation. Y aura-t-il des corrections?
– Les pouvoirs publics ont acté la mise en place d’un véhicule d’investissement dédié au secteur du tourisme parce que nous sommes conscients des besoins en fonds propres et de l’importance de renforcer les bilans des entreprises touristiques. Notamment dans l’objectif de sécuriser les acteurs les plus fragiles et d’accompagner les opérateurs pour renforcer leurs actifs, repenser leur business model et saisir les opportunités de transformation que connaîtra le secteur après cette crise. Nous déclinerons en temps voulu les mécanismes et modalités d’intervention de ce véhicule en fonction de la taille, de la nature et des besoins des entreprises.

– Quid du report de la hausse du Smig qui n’est pas évoqué dans le CP, alors que la CGEM a pris position là-dessus?
– L’ensemble des partenaires du secteur ont renouvelé leur attachement à l’amélioration du niveau de vie des travailleurs et du climat social, tout en tenant compte des impératifs et contraintes imposés par cette crise sans précédent. Aussi, l’ensemble des acteurs sont alignés autour des décisions issues du processus de dialogue social.
– Qu’est-ce qui est prévu concrètement pour la gouvernance du secteur? Avez-vous des pistes de réflexion?
– Une des grandes leçons de cette crise est le poids de l’informel qui a exacerbé la fragilité, la vulnérabilité et la précarité d’une large frange d’opérateurs touristiques et de travailleurs dans le secteur. Je voudrais par conséquent saisir cette occasion pour rendre hommage aux efforts des différents appareils de l’État qui ont permis d’identifier et d’aider les couches les plus vulnérables. Par conséquent, la gouvernance et le pilotage du secteur doivent être mis à plat et revisités en partenariat avec les opérateurs et cela a été inscrit au cœur des priorités du contrat programme. Ainsi, il est primordial de revoir toute la chaîne de valeur pour favoriser l’émergence de structures fortes, transparentes, représentatives et solidaires. Des efforts doivent également être consentis pour améliorer la coordination entre les partenaires privés et publics (administration centrale et services déconcentrés) et renforcer les partenariats avec les collectivités territoriales.
Source: https://www.leconomiste.com LIEN